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20 de março de 2015

Uma conferência sobre a Grécia


La conférence organisée par l’hebdomadaire The Economist sur les relations entre la Grèce et ses créditeurs a permis un débat très franc sur la possibilité d’une sortie de la Grèce de l’Euro. Cette idée, si elle provoque toujours un sentiment de peur et d’incertitude dans une partie du public (et ce dernier représentait ce que l’on appelle communément les « élites économiques ») commence désormais à être beaucoup mieux acceptée. L’une des hypothèses qui a été ainsi discutée dans le cadre de cette conférence a été celle d’une « sortie de velours » (velvet exit). On notera la référence avec le processus de séparation de la République Tchèque et de la Slovaquie, qui avait en son temps était appelé la « scission de velours ». Le fait que cette hypothèse ait pu être discutée, et qu’elle soit envisagée par un nombre de participants, tant grecs qu’étrangers à cette conférence, est un signe indubitable de la progression de l’idée d’une sortie de l’Euro. Elle correspond à ce que l’ancien Président français, M. Valery Giscard d’Estaing a appelé, il y a quelques semaines, le « friendly GREXIT ».
Cette conférence réunissait, sous la présidence éclairée de Mme Joan Hoey, qui dirige les éditions locales de The Economist et qui est aussi une analyste confirmée de la situation locale, autour du vice-Ministre des Affaires Etrangères M. Euclid Tsakalatos et de Nikos Vettas, directeur de la Fondation pour les recherches économiques et industrielles et professeur d’économie à l’université d’Athènes, divers universitaires :
  1. Andreas Nölke, professeur d’économie, et de relations internationales, à l’université Goethe de Francfort.
  2. Henk Overbeek, professeur de relations internationales à l’université d’Amsterdam.
  3. Giovanni Dosi, professeur d’économie et directeur des études économiques à l’Université de Pise.
Ainsi que votre serviteur.
A - Agenda_Conference - copie 00002

La position officielle de SYRIZA

Cette position fut présentée par M. Tsakalatos. Il a d’emblée reconnu qu’il y avait une contradiction entre les principes de la démocratie et ceux de l’Union Economique et Monétaire (EMU, plus connu sous le nom de Zone Euro). L’architecture de l’EMU a été fautive dès le début (1999) et ne peut faire face, dans les conditions et les structures actuelles, aux problèmes qu’elle rencontre. Après avoir souligné la nature provisoire de l’accord conclu entre la Grèce et ses créanciers (l’Eurogroupe mais aussi le FMI) il a insisté sur les difficultés actuelles de la Grèce, qui fait face à une fuite des capitaux hors du système bancaire (12 milliards d’Euros pour le mois de février) ainsi qu’à une incertitude financière sur sa capacité à effectuer les remboursements de sa dette. M. Tsakalatos a aussi souligné le problème du chômage, qui touche aujourd’hui plus de 26% de la population active et de la fuite des cerveaux, qui présente le risque de vider la Grèce de ses éléments les plus brillants et les plus prometteurs. Dans ces conditions, l’Eurogroupe a pris la responsabilité d’exercer des pressions politiques et économiques de plus en plus fortes sur le gouvernement grec. Mais, il est clair pour tous en Grèce, et ceci a été confirmé par diverses réactions, qu’il est désormais impossible de revenir en arrière, au statu-quo ante tel qu’il était avant le 25 janvier.
Les autorités européennes commettent une grande erreur en décrivant SYRIZA comme un parti populiste. C’est un parti qui a un programme et qui l’appliquera. Les alliances politiques qu’il a passé avec le parti AN.EL. (les « Grecs Indépendants ») et qui mettent une partie de la gauche libérale européenne tant en fureur (tout comme Mme Merkel…) sont de ce point de vue parfaitement logiques. En réalité, le problème se pose pour les partis sociaux-démocrates dans le reste de l’Europe. En adoptant des politiques qui sont de plus en plus éloignées des soucis de leurs électorats, ce sont ces derniers partis qui font le lit des mouvements populistes, voire nationalistes, que ce soit en France, en Italie et même en Grande-Bretagne. Si l’élection d’un nouveau parlement n’impliquait pas des changements importants dans la politique d’un pays, cela signifierait que la démocratie n’existe plus. La question de la souveraineté nationale est donc cruciale.

La dette ou la compétitivité ?

L’une des questions qui fut immédiatement abordée fut celle de savoir si la principale question était celle de la dette ou si celle-ci ne faisait que traduire un problème bien plus important de productivité, pour la Grèce mais aussi pour nombre des pays de la zone Euro. Dans la présentation que j’ai faite (et à laquelle on peut se reporter sur ce blog ici) j’ai indiqué que la dette avait fortement augmenté à partir de 2008 non seulement en pourcentage du PIB (graphique 1) mais aussi en milliards d’euros. Cela traduisait à la fois la forte hausse des taux d’intérêts qui a commencé à pénaliser la Grèce mais aussi les effets délétères des politiques d’austérité.

Graphique 1
Dette publique de la Grèce en % du PIB
 A - Fg5 - copie
Graphique 2
Dette publique de la Grèce en volume
 A - Fig6 - copie
Source : Graphiques 1 et 2, donnée du FMI.
Cependant, si l’on cherche à présenter le problème de la Grèce comme un problème de dette, c’est bien en réalité d’un problème de productivité et de compétitivité dont il s’agit. Sur ce point les interventions de Dosi, de Nölke ainsi que les miennes ont été convergentes. A partir du moment où des pays sont dans une union monétaire avec un pays largement plus avancé (l’Allemagne) il est impératif que se constitue un budget fédéral important pour transférer des ressources vers ces pays. Faute de le faire, les distorsions économiques entre le pays le plus avancé et les autres pays ne peuvent que s’aggraver puisque le mécanisme « naturel » d’ajustement, la dévaluation par rapport au pays le plus avancé n’existe plus. La comparaison de l’évolution des coûts unitaires du travail par rapport à l’Allemagne est à cet égard extrêmement instructive.
Graphique 3
Ecart du coût unitaire vis-à-vis de l’Allemagne
 A - Fig11 - copie
Sources : données de l’OCDE
La question de la dette n’est ainsi que le révélateur de déséquilibres structurels bien plus profonds et de l’absence de tout mécanisme correcteur. MM. Dosi et Vettas ont souligné le fait qu’aux États-Unis des écarts très importants de productivité et de compétitivité existaient entre États. Mais, ceci n’est tolérable que parce qu’il y a un énorme budget fédéral (qui fait entre 63% et 65% des dépenses). En fait, nous vérifions aujourd’hui la prédiction faites par Georges Brown, alors Chancelier de l’Echiquier du Royaume-Uni dans les années 1970, lors d’une conférence qui s’était tenue à l’Institut Européen de Florence. Certes, une monnaie européenne constituerait un avantage, mais pour qu’elle fonctionne il faudrait que chaque pays accepte de donner 10% de son PIB à un budget fédéral. On sait qu’aujourd’hui on atteint à peine 1,23%.
En réalité, la réponse à la crise de la zone Euro qui demande plus de fédéralisme se heurte au fait suivant : il faudrait que l’Allemagne accepte de transférer de 8% (calcul de J. Sapir) à 12% (calcul de P. Arthus) de son PIB tous les ans et sur une période d’à peu près 10 ans pour que l’on ait une véritable convergence. Le problème alors n’est pas que les allemands ne veulent pas d’une telle contribution mais qu’ils ne peuvent pas y consentir sans provoquer un démantèlement de leur économie. Tout discours qui ne prend pas en compte cette froide réalité se condamne à n’être qu’un discours dans le monde des bisounours.

La question de l’austérité

Les différents intervenants, qu’il s’agisse de G. Dosi, de Nölke ou d’Overbeek ont tous insisté sur les effets destructeurs de la politique d’austérité, non seulement dans le cas de la Grèce mais aussi dans celui du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie. Giovanni Dosi a ainsi rappelé que le multiplicateur des dépenses fiscales avait été grossièrement sous-estimé par les autorités de l’Union Européenne, et cela même après la publication de l’étude fameuse de Blanchard datant de janvier 2013[1]. Très clairement les politiques mises en œuvre sous le nom de « Mémorandum » non seulement ne fonctionnent pas, mais elles ont de plus des effets destructeurs très importants sur l’économie. Ces politiques, et il y a eu un large consensus entre les quatre intervenants étrangers, n’ont pas été mises sur pied pour « aider » la Grèce, mais bien uniquement pour permettre aux pays créditeurs d’être remboursés. Ceci a été reconnu dernièrement dans une note du FMI. Mais, sur ce point aussi, elles se révèlent contre-productives. En effet, il est clair que la Grèce, à la suite des divers Mémorandums, ne pourra pas rembourser sa dette. La politique mise en œuvre pour sortir ce pays de l’insolvabilité l’a, au contraire, plongé dans l’insolvabilité.
Se pose alors la question de savoir si cette politique n’obéissait pas en réalité à d’autres objectifs. Tant le professeur Nölke que le professeur Overbeek ont émis l’hypothèse que cette politique avait pour but de faire de la Grèce un exemple tant pour les autres pays de l’Europe du Sud que pour les pays de l’Europe du Nord pour montrer jusqu’à quel point il était possible d’appauvrir une population et de détruire la classe moyenne. L’effet d’exemplarité recherché vise à convaincre les organisations syndicales des autres pays et les partis politiques qu’il vaut mieux accepter un démantèlement relativement ordonné des lois sociales (ce qui se produit en France par exemple avec la « Loi Macron » mais qui a lieu aussi en Italie) que d’être dans une situation comme celle de la Grèce ou de l’Espagne. Cette explication rendrait compte alors de la très grande rigidité de l’Eurogroupe dans les négociations actuellement en cours.
Mais, une autre explication est possible, qui n’est d’ailleurs pas contradictoire avec celle formulée par Nölke et Overbeek. L’Allemagne ferait pression sur la Grèce pour obtenir la garantie que l’austérité – et cela quel qu’en soit le prix – sera maintenue et éviter ainsi que ne s’engage un processus conduisant à ce qui la terrifie réellement : la transformation de la « zone Euro » dans une « union de transfert » où la contribution demandée à l’Allemagne irait chaque année grandissant. On peut parfaitement penser que cette hypothèse, que j’ai formulée et qui a eu l’assentiment du professeur Nölke pourrait tout à fait se conjuguer avec l’idée de l’exemple fait sur la Grèce (et dans une moindre mesure l’Espagne et le Portugal) à destination des autres pays européens.

Quelles marges de manœuvre ?

Sur ce point, le débat a été plus ouvert entre le groupe des quatre économistes étrangers et les deux représentants grecs. Avec des nuances (le professeur Overbeek se montrant un peu plus optimiste que Dosi, Nölke et moi-même) nous considérons que l’attitude des autorités de Bruxelles et de l’Eurogroupe revient a exiger une capitulation sans condition de la Grèce. C’est clairement la position de l’Allemagne et, dans les faits, il faut noter le ralliement de la France et de l’Italie à la position de Berlin. Le « front uni » contre la Grèce qui se manifeste aujourd’hui est, en réalité, une alliance de circonstance. On voit bien les intérêts de l’Allemagne à briser l’espoir que représente le gouvernement de Syriza. Pour le gouvernement espagnol, c’est la crainte de voir surgir Podemos comme une force politique majeur qui le motive, outre les liens (et l’on a parlé d’une corruption de fait) entre les dirigeants conservateurs espagnols et allemands. La France, elle, espère (ou s’illusionne) obtenir de Bruxelles et de l’Allemagne un traitement de faveur dans la réduction de son déficit en échange d’un soutien à Berlin. Il en est de même pour l’Italie. Mais ceci signifie que, en un sens, la peur du changement a unifié les positions autour de celles des plus réactionnaires, c’est-à-dire l’Allemagne. La trahison des élites nationales, en France, en Italie et en Espagne, atteint alors de nouveaux sommets. Mais il est aussi clair que Syriza a sous-estimé ce phénomène. La Grèce n’a rien à attendre de gouvernants faillis qui ont abdiqué toute vision du futur de leur propre pays et ne semblent plus motivés désormais que par des dérisoires manœuvres destinées à les maintenir, pour quelque temps encore, au pouvoir.
Cependant, l’Allemagne non plus n’a pas beaucoup de marges de manœuvre. Si elle pousse la Grèce à bout, et il semble qu’elle sous-estime le consensus patriotique et anti-allemand qui aujourd’hui règne à Athènes, la Grèce sortira de l’Euro. Or, les conséquences d’un tel acte sont absolument imprévisibles. Mais, si l’Allemagne au dernier moment accepte de transiger, elle fera la preuve que l’on peut avoir des brèches importantes dans l’austérité. En réalité, tant la Grèce que l’Allemagne sont sur des trajectoires dont elles ne peuvent dévier qu’à un coût politique absolument exorbitant. C’est ce qui rend probable et crédible l’hypothèse d’une sortie de la Grèce de la zone Euro, ce que l’on appelle le « GREXIT ».

La « sortie de velours » est-elle possible ?

Une partie de la discussion, et les discussions « off » qui sont bien souvent le moment le plus intéressant dans ce type de conférence, à tourné autour de l’hypothèse de la fameuse « sortie de velours ».
Sur un pur plan technique, cette solution présenterait bien des avantages. Pour la Grèce, elle s’accompagnerait d’un compromis sur tout ou partie de sa dette, et d’une politique monétaire retrouvant ses degrés de liberté avec un contrôle des capitaux et la possibilité de la part de la Banque Centrale d’alimenter les banques et l’économie en liquidité. En échange d’un compromis sur la dette, qui éviterait aux pays de l’EMU de devoir affronter les pertes qu’impliqueraient un défaut, ces pays consentirait un prêt de 20 milliards à la Banque Centrale de Grèce pour la période de transition le temps que la drachme soit stabilisée.
Mais, politiquement, on a du mal à voir comment les positions actuelles seraient compatibles avec une sortie négociée. Le risque, pour l’Eurogroupe, est de voir l’intangibilité de l’Euro remise en cause et, de proche en proche, un mécanisme de dissolution de la zone euro se mettrait en place. Il est clair qu’en même temps que la Grèce, ou immédiatement après, ce serait le tour de Chypre. Comment les investisseurs réagiraient-ils alors, et ne peut-on penser qu’ils estimeraient que le Portugal et l’Espagne sont les prochains sur la liste. Puis, une fois ces pays de fait contraints de sortir, ce serait le tour de l’Italie et de la France. Ceci fait d’une sortie non négociée, le « GREXIT conflictuel », une hypothèse hélas bien plus probable. La Grèce ferait alors défaut sur sa dette (comme la Russie a fait défaut en 1998). Les pays de la zone Euro bloqueraient la circulation des « euros » grecs sur leur territoire et la Grèce se verrait obligée de la renommer drachme. Le problème de la stabilisation de la drachme se poserait alors, et la Grèce devrait très probablement avoir recours à l’un des grands pays des BRICS (la Chine ou la Russie) pour la constitution d’un fond de stabilisation. L’impact sur la zone Euro d’une sortie conflictuelle de la Grèce serait encore plus fort que dans le cas de la « sortie de velours ». Cette sortie conflictuelle serait un immense et flagrant aveu d’échec des institutions européennes.
On peut donc penser que les pays de l’Eurogroupe feront tout pour éviter d’en arriver là. Mais, d’un autre côté, ils ne peuvent – ni pour certains ne veulent – transiger sur l’austérité. Et c’est ici que se révèle la nature très perverse de l’Euro. Conçu politiquement comme devant être le couronnement de la construction européenne, il s’avère être en réalité le pire des poisons au sein de l’Union Européenne. Il est en train, d’abord à petit feu mais désormais de manière de plus en plus rapide et évidente, de tuer l’UE. Les politiques mises en place pour sauver l’Euro s’avèrent à la fois inefficaces et un déni profond et constant de la démocratie. Elle provoquent une polarisation de plus en plus violentes des pays les uns contre les autres.

Une conclusion s’impose

Le cas de la Grèce est évidemment emblématique. Ce qui se joue dans ce malheureux pays nous concerne tous et, j’ose le dire, aura une influence sur notre propre sort. La liberté et la démocratie jouent leur peau à Athènes. Comme à Marathon, comme à Salamine, oui, l’histoire pour un fois repasse les plats même si le barbare vient désormais du Septentrion. Si nous ne mettons pas fin rapidement à l’expérience malheureuse de la « monnaie unique », il est à craindre qu’elle ne nous entraîne vers des catastrophes inouïes.

[1] Blanchard O. et D. Leigh, « Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers », IMF Working Paper, n°13/1, janvier 2013.

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