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4 de agosto de 2016

Uma opinião

L’Euro et la crise en Europe

On s’interroge souvent sur le « pourquoi » de la frilosité des populations européennes face aux réfugiés du Moyen-Orient. Mais il faut être aveugle pour ne pas comprendre que ce qui s’exprime c’est l’angoisse du lendemain pour des millions et des millions de gens. C’est la destruction de la confiance, la perte de l’idée de l’avenir. De 1945 à 1950, les pays européens eurent à gérer un problème de réfugiés bien plus important que celui que nous connaissons aujourd’hui. Mais, on avait confiance en l’avenir. Dans les difficultés, pourtant immenses, de la reconstruction de l’après-guerre, les populations sentaient confusément que la situation s’améliorait mois après mois. C’est pourquoi on a su trouver de la place à ces réfugiés. Il est vrai que nous n’avions pas l’Euro et que cela permettait des politiques économiques à la fois plus ambitieuses et plus efficaces.
Et l’on mesure, alors, ce que cette monnaie unique coûte aux populations européennes, que ce soit directement – pour les pays membres de la zone Euro – ou que ce soit indirectement pour les autres pays entraînés dans la spirale dépressive par les pays de la zone Euro. Parce que l’Euro a été mis en place dans le cœur historique de l’Europe, sa crise affecte naturellement l’Europe toute entière.

Une prise de conscience ?

Pourquoi la crise grecque, dans un pays qui représente moins de 3% du PIB de la Zone Euro, est-elle ainsi devenue majeure ? Les fondements mêmes de l’UE ont été durablement ébranlés et déconsidérés. La crise des banques italiennes, venant après celle des banques espagnoles et avant celle des banques allemandes, est une nouvelle cause constante d’inquiétude pour les marchés financiers. Ici encore, les institutions de règlement de ces crises, ce que l’on appellel’union bancaire, qui avaient été mises en place en 2012, n’ont pas fonctionné. Ces crises devront être réglées dans un cadre national. Bien entendu, les moyens existent. Mais, à chaque fois, c’est la zone Euro qui se défait un peu plus.
Car la cause réelle de ces diverses crises n’est pas l’endettement de la Grèce, les mauvaises dettes accumulées dans les banques italiennes, ou les opérations douteuses réalisées sur les marchés financiers par les banques allemandes : c’est en réalité le fonctionnement de la zone Euro. Il dresse les peuples les uns contre les autres et ranime les pires des souvenirs de l’histoire européenne. Si l’UE et l’Europe sont deux choses différentes, aujourd’hui, ce qui se joue à Bruxelles n’est plus seulement l’avenir de la Grèce ou de l’Euro, c’est l’existence même de l’Union européenne et l’avenir de l’Europe.

Euro-Cerf
Livre à paraître le 15 septembre 2016

Le fédéralisme impossible

On l’a déjà écrit à de multiples reprises. Si, dans des pays fédéraux comme l’Inde, l’Allemagne ou les États-Unis une même monnaie fonctionne en dépit des divergences, parfois extrêmes, qui existent entre les territoires composant ces pays c’est avant tout parce qu’existent des flux de transfert importants. Ceci n’a pu être mis en place au sein de la zone Euro, en raison de l’opposition de nombreux pays mais, par dessus tout, en raison de l’opposition totale de l’Allemagne.
Beaucoup de ceux qui écrivent en faveur de l’Euro se lamentent alors sur ce qu’ils appellent « l’égoïsme allemand[1] ». Ils ne prennent jamais la peine de mesurer ce que coûterait à l’Allemagne le financement de ces flux de transfert. Le calcul a été présenté[2]. Il s’évaluait alors autour de 260 milliards d’euros par an, sur une période de dix ans, et ce uniquement pour aider les 4 pays du « Sud » que sont l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce. Sur cette somme, on peut penser qu’environ 90% serait fourni par l’Allemagne. On aboutit alors à un prélèvement sur la richesse produite en Allemagne compris entre 8% et 9% du PIB. Une autre source estimait même ce prélèvement à 12%[3]. Il est clair qu’imposer un tel prélèvement à l’Allemagne détruirait son économie. La question n’est donc pas que l’Allemagne ne veuille pas mais qu’elle ne peut pas supporter de tels prélèvements.
Confrontés à l’impossibilité de mettre en place une union de transfert, les gouvernements de la zone Euro ont cru trouver leur salut dans une combinaison de cures d’austérité dont les effets récessifs ont fragilisé les économies, et d’une politique monétaire expansionniste menée par la Banque centrale européenne. Mais, cette politique monétaire n’a pas résolu le problème. Cela revient à soigner une pneumonie avec de l’aspirine. L’aspirine Le médicament permet, certes, à la fièvre de baisser, mais elle ne soigne pas.
Il convient donc de tirer toutes les conséquences de ceci : le fédéralisme n’est pas possible et il est sans objet de disserter sur le fait de savoir s’il serait une bonne ou une mauvaise solution. Il ne reste donc que deux possibilités : soit l’appauvrissement rapide des pays du « sud » de la zone Euro, avec les conséquences politiques extrêmement déplaisantes que l’on devine et qui pourraient bien aboutir à une remise en cause de l’Union Européenne elle-même, soit la dissolution de la zone euro pour permettre les réajustements nécessaires sans recourir à des transferts massifs.

La responsabilité de l’Allemagne

La crise a durci les positions. L’Allemagne est, plus que jamais, opposée à une union de transferts. Mais elle a réussi à imposer sa propre logique de gestion grâce aux divers « pactes » de solidarité qui ont été signés depuis 2011[4]. C’est ce que l’on appelle le « six pack ». Ceci a été consolidé dans le TSCG signé en 2012[5], et qui est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Ces traités ne font que renforcer les mécanismes d’austérité qui enserrent les économies européennes. L’Euro a entraîné les économies des pays membres de la zone dans une logique de divergence de plus en plus forte[6]. Cette logique a conduit à des plans d’austérité de plus en plus violent, qui exaspèrent les populations et qui dressent celles des pays ayant moins de problèmes contre celles des pays qui en souffrent le plus.

Ainsi, loin d’être un facteur d’unité et de solidarité, l’Euro entraîne le déchaînement des égoïsmes des uns et des autres et la montée des tensions politiques. Il est un facteur de risques tant politiques qu’économiques pour l’Europe toute entière, et cela bien au-delà des limites de la seule Union européenne.

Notes
[1] Voir Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Michalon, Paris, 2012.
[2] Voir Sapir J., « Le coût du fédéralisme dans la zone Euro », note publiée sur le carnet RussEurope, 10 novembre 2012,http://russeurope.hypotheses.org/453
[3] Patrick Artus, « La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui », NATIXIS,Flash-Économie, n°508, 17 juillet 2012.
[4] Déclaration des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro du 25 mars 2010 (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/113564.pdf); Traité instituant le mécanisme européen de stabilité, 11 juillet 2011,http://www.eurozone.europa.eu/media/582863/06-tesm2.fr12.pdf
[5] Voir « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire »,http://www.senat.fr/cra/s20121011/s20121011_mono.html
[6] Sapir J., « Is the Eurozone doomed to fail », pp. 23-27, in Making Sense of Europe’s Turmoil, CSE, Bruxelles, 2012 ; et, Idem, « Crisis of the Euro Zone and the Prospects of the Euro », in Studies in Russian Economic Development, Vol. 22, n° 3, 2011, pp. 225-236.
On s’interroge souvent sur le « pourquoi » de la frilosité des populations européennes face aux réfugiés du Moyen-Orient. Mais il faut être aveugle pour ne pas comprendre que ce qui s’exprime c’est l’angoisse du lendemain pour des millions et des millions de gens. C’est la destruction de la confiance, la perte de l’idée de l’avenir. De 1945 à 1950, les pays européens eurent à gérer un problème de réfugiés bien plus important que celui que nous connaissons aujourd’hui. Mais, on avait confiance en l’avenir. Dans les difficultés, pourtant immenses, de la reconstruction de l’après-guerre, les populations sentaient confusément que la situation s’améliorait mois après mois. C’est pourquoi on a su trouver de la place à ces réfugiés. Il est vrai que nous n’avions pas l’Euro et que cela permettait des politiques économiques à la fois plus ambitieuses et plus efficaces.
Et l’on mesure, alors, ce que cette monnaie unique coûte aux populations européennes, que ce soit directement – pour les pays membres de la zone Euro – ou que ce soit indirectement pour les autres pays entraînés dans la spirale dépressive par les pays de la zone Euro. Parce que l’Euro a été mis en place dans le cœur historique de l’Europe, sa crise affecte naturellement l’Europe toute entière.
Une prise de conscience ?
Pourquoi la crise grecque, dans un pays qui représente moins de 3% du PIB de la Zone Euro, est-elle ainsi devenue majeure ? Les fondements mêmes de l’UE ont été durablement ébranlés et déconsidérés. La crise des banques italiennes, venant après celle des banques espagnoles et avant celle des banques allemandes, est une nouvelle cause constante d’inquiétude pour les marchés financiers. Ici encore, les institutions de règlement de ces crises, ce que l’on appellel’union bancaire, qui avaient été mises en place en 2012, n’ont pas fonctionné. Ces crises devront être réglées dans un cadre national. Bien entendu, les moyens existent. Mais, à chaque fois, c’est la zone Euro qui se défait un peu plus.
Car la cause réelle de ces diverses crises n’est pas l’endettement de la Grèce, les mauvaises dettes accumulées dans les banques italiennes, ou les opérations douteuses réalisées sur les marchés financiers par les banques allemandes : c’est en réalité le fonctionnement de la zone Euro. Il dresse les peuples les uns contre les autres et ranime les pires des souvenirs de l’histoire européenne. Si l’UE et l’Europe sont deux choses différentes, aujourd’hui, ce qui se joue à Bruxelles n’est plus seulement l’avenir de la Grèce ou de l’Euro, c’est l’existence même de l’Union européenne et l’avenir de l’Europe.
Le fédéralisme impossible
On l’a déjà écrit à de multiples reprises. Si, dans des pays fédéraux comme l’Inde, l’Allemagne ou les États-Unis une même monnaie fonctionne en dépit des divergences, parfois extrêmes, qui existent entre les territoires composant ces pays c’est avant tout parce qu’existent des flux de transfert importants. Ceci n’a pu être mis en place au sein de la zone Euro, en raison de l’opposition de nombreux pays mais, par dessus tout, en raison de l’opposition totale de l’Allemagne.
Beaucoup de ceux qui écrivent en faveur de l’Euro se lamentent alors sur ce qu’ils appellent « l’égoïsme allemand[1] ». Ils ne prennent jamais la peine de mesurer ce que coûterait à l’Allemagne le financement de ces flux de transfert. Le calcul a été présenté[2]. Il s’évaluait alors autour de 260 milliards d’euros par an, sur une période de dix ans, et ce uniquement pour aider les 4 pays du « Sud » que sont l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce. Sur cette somme, on peut penser qu’environ 90% serait fourni par l’Allemagne. On aboutit alors à un prélèvement sur la richesse produite en Allemagne compris entre 8% et 9% du PIB. Une autre source estimait même ce prélèvement à 12%[3]. Il est clair qu’imposer un tel prélèvement à l’Allemagne détruirait son économie. La question n’est donc pas que l’Allemagne ne veuille pas mais qu’elle ne peut pas supporter de tels prélèvements.
Confrontés à l’impossibilité de mettre en place une union de transfert, les gouvernements de la zone Euro ont cru trouver leur salut dans une combinaison de cures d’austérité dont les effets récessifs ont fragilisé les économies, et d’une politique monétaire expansionniste menée par la Banque centrale européenne. Mais, cette politique monétaire n’a pas résolu le problème. Cela revient à soigner une pneumonie avec de l’aspirine. L’aspirine Le médicament permet, certes, à la fièvre de baisser, mais elle ne soigne pas.
Il convient donc de tirer toutes les conséquences de ceci : le fédéralisme n’est pas possible et il est sans objet de disserter sur le fait de savoir s’il serait une bonne ou une mauvaise solution. Il ne reste donc que deux possibilités : soit l’appauvrissement rapide des pays du « sud » de la zone Euro, avec les conséquences politiques extrêmement déplaisantes que l’on devine et qui pourraient bien aboutir à une remise en cause de l’Union Européenne elle-même, soit la dissolution de la zone euro pour permettre les réajustements nécessaires sans recourir à des transferts massifs.
La responsabilité de l’Allemagne
La crise a durci les positions. L’Allemagne est, plus que jamais, opposée à une union de transferts. Mais elle a réussi à imposer sa propre logique de gestion grâce aux divers « pactes » de solidarité qui ont été signés depuis 2011[4]. C’est ce que l’on appelle le « six pack ». Ceci a été consolidé dans le TSCG signé en 2012[5], et qui est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Ces traités ne font que renforcer les mécanismes d’austérité qui enserrent les économies européennes. L’Euro a entraîné les économies des pays membres de la zone dans une logique de divergence de plus en plus forte[6]. Cette logique a conduit à des plans d’austérité de plus en plus violent, qui exaspèrent les populations et qui dressent celles des pays ayant moins de problèmes contre celles des pays qui en souffrent le plus.

Ainsi, loin d’être un facteur d’unité et de solidarité, l’Euro entraîne le déchaînement des égoïsmes des uns et des autres et la montée des tensions politiques. Il est un facteur de risques tant politiques qu’économiques pour l’Europe toute entière, et cela bien au-delà des limites de la seule Union européenne.
[1] Voir Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Michalon, Paris, 2012.
[2] Voir Sapir J., « Le coût du fédéralisme dans la zone Euro », note publiée sur le carnet RussEurope, 10 novembre 2012,http://russeurope.hypotheses.org/453
[3] Patrick Artus, « La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui », NATIXIS,Flash-Économie, n°508, 17 juillet 2012.
[4] Déclaration des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro du 25 mars 2010 (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/113564.pdf); Traité instituant le mécanisme européen de stabilité, 11 juillet 2011,http://www.eurozone.europa.eu/media/582863/06-tesm2.fr12.pdf
[5] Voir « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire »,http://www.senat.fr/cra/s20121011/s20121011_mono.html
[6] Sapir J., « Is the Eurozone doomed to fail », pp. 23-27, in Making Sense of Europe’s Turmoil, CSE, Bruxelles, 2012 ; et, Idem, « Crisis of the Euro Zone and the Prospects of the Euro », in Studies in Russian Economic Development, Vol. 22, n° 3, 2011, pp. 225-236.

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